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riviera suisse Estelle Rochat

faire la classe

CANNES 2019, MONTÉE DES MARCHES, LES ROBES EXTRAVAGANTES D’ESTELLE ROCHAT FOULENT LE TAPIS ROUGE. POUR LA CRÉATRICE VAUDOISE, QU’IL EST LOIN LE TEMPS DES DÉFILÉS IMPROVISÉS AU FOND DU JARDIN, LE TEMPS OÙ, STYLISTE EN CULOTTE COURTE, ELLE VIDAIT LES ARMOIRES DE LA MAISON, POUR STYLER SES COPINES DE SES TRÉSORS.

Des chutes de tissus éparpillés, rubans et bobines de fil enroulés, la jeune femme grandit entre les froufrous de ses grands-mères couturières. Elle crée son univers, rêve de princesses, de longues traines et de conte de fées, griffonne le fruit de son imagination et finit par ne plus lâcher crayon et bloc en papier. Mais ça ne suffit pas, Estelle est boulimique de curiosités. Elle découvre la photo aux côtés de son oncle et dévore de la pellicule. Une corde à son arc plus loin, elle range pourtant ses objectifs et prend la route de l’école bien loin des podiums et des projecteurs…

LE CŒUR A SES RAISONS…

Ses études de professeur des écoles nourrissent son côté cartésien, c’est certain. Mais la créativité ? Difficile à mettre de côté, non ? Estelle se remonte alors les manches et se lance dans la diversité, manie cahier de classes et grand angle, et en avant !
Elle fait quelques shootings pour des books, son œil plaît, son réseau s’étale à vitesse grand V. Conseils de professionnels ou bouche à oreille, ça se bouscule au portillon quand ses rêves d’enfant la rattrapent : “Lorsque je suis devenue photographe de mode, j’ai commencé à côtoyer des mannequins qui cherchaient toujours à avoir des tenues différentes pour poser. J’ai d’abord récolté pas mal d’habits que je transformais pour aboutir à des tenues super stylées, mais sans arriver à ce que je voulais vraiment. Alors j’ai ressorti mon bloc…” Et comme le vélo, ça ne s’oublie pas.
Elle pose son appareil et travaille avec un couturier qui donne vie à ses croquis, les premières robes sortent, les femmes sont séduites, certaines jusqu’à leur robe de mariée. Il est grand temps de s’affirmer et d’imposer son style, à deux pas de la Riviera, Estelle ouvre son showroom à Crissier.

ET ÇA DÉFILE !

Corsets ou laçage dans le dos, jupe de crêpe ou taille princesse, elle aime le noir et l’inspiration baroque et crée à gogo au service de la photographie, la beauté de l’image avant tout. Invitée au Focus Day -salon photo et vidéo romand- en 2014, elle se prête au jeu du défilé et teste ses modèles sous l’objectif de grands photographes : “je m’en souviens comme si c’était hier. On s’est retrouvé en plein milieu de la campagne, 4e vache à gauche ! Je trouvais ça un peu fou et totalement improbable, mais j’y suis allée, et c’était incroyable.” Plus de 100 photographes sont au rendez-vous et shootent son travail, son cœur fait boom, son carnet de commandes aussi.

ENTRE CRÊPE ET DENTELLE…

Estelle dessine exclusivement des robes ou des combo jupe bustier, une taille, un modèle, pas de série. Tulle pailleté, satin, plumetis, dentelle, cuir ou organza, elle s’amuse à varier et superposer les textiles, toujours en quête de plus d’originalité. Alors quand on lui demande de reproduire un modèle déjà existant, son discours est déjà cuit : “Une robe, c’est une grande pizza. Il y a des éléments, mais on peut tout changer, enlever le salami, le jambon, rajouter de l’ail ou des artichauts. Tant qu’on garde la base de la création, je recrée sans souci. Je mets des bretelles ou des poches et c’est parti, mais zéro copie !”
Spécialisée dans la tenue de gala ou la robe de mariée, la créatrice ne suit aucun cahier de tendance autre que le sien, et celui des femmes qu’elle habille. Et pour elle qui ne jurait que tailles princesses et total look noir, il a fallu ouvrir le champ des possi- bilités à la couleur, aux silhouettes et aux envies, sacré pari ! “On me réclame beaucoup de formes près du corps alors que je suis très princesse… ma marque de fabrique, c’est le laçage dans le dos, mais les demandes de dos nus et de transparence affluent, je dois faire des concessions et m’adapter, quitte à me frustrer un peu”. Et si la fashion designer calme ses ardeurs sur certains modèles, elle se rattrape et lâche toute sa créativité sur les défilés. Décolleté plongeant, bustier asymétrique ou fourreau transparent, les tenues explosent dans des chamarrés de bleu, de doré ou de rose, on ose ! Aujourd’hui, Estelle Rochat trimballe sa petite quarantaine avec énergie et vit ses journées au rythme de son métier et des femmes qu’elle enrobe. Déjà 10 ans de créations, et si elle n’avait qu’un vœu à faire pour les 10 prochaines années : “Je n’ai pas besoin de mes robes pour vivre, ça reste ma passion et c’est un équilibre que j’ai trouvé entre raison et cœur. Je veux faire comprendre aux femmes que mes collections ne sont pas réservées à une élite, ni de taille, ni de budget et je compte bien casser cette image, portée aujourd’hui, un peu comme une traine…”

http://estellerochat.ch

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