à LA TABLE DES ANGES
Il est des histoires qui vous touchent en plein cœur. Celle de la Table de Marie-Ange Veyrat, nichée sur les hauteurs de Manigod est à la mesure de ceux qui l’ont bâtie, absolument authentique et inconditionnellement sincère. Un lieu, une famille et une cuisine, mais aussi et surtout l’histoire d’une Maison dont chaque génération en est à la fois le gardien et le passeur.
Pousser la porte de l’antre de la Table de Marie-Ange, c’est s’immerger dans un boudoir enveloppant, de ceux dans lesquels on se sent immédiatement comme chez soi, avec ce supplément d’âme qui vous transperce et vous remue. Et là, dans ce lieu chargé d’histoires, découvrir toute la subtilité d’une cuisine capable de vous émouvoir.

LES ORIGINES DU BIEN
Les valeurs familiales sont dans l’ADN des lieux à bien des égards. C’est là que depuis 1937, 4 générations se sont succédées. Charge à chacune d’apporter sa touche.
À la tête de la première, il y a Aline Burgat, la mémé Karavi, une véritable pionnière, puisqu’après avoir appris les rudiments de la cuisine à Paris, où elle part à l’âge de 12 ans en tant que femme de chambre, elle revient dans sa Haute-Savoie natale et imagine l’une des premières tables d’hôtes dans ce chalet d’alpage. Quelques années plus tard, après-guerre, inventive et visionnaire, elle ouvre les 2 premières chambres destinées à accueillir promeneurs et voyageurs, qui cohabitent alors avec le cheptel, dans la grange de la ferme. L’une de ses deux filles, Lina, reprend peu à peu le flambeau, alors que les sports d’hi- ver connaissent leur essor et que son mari, Pierre, installe le premier téléski de la vallée.
Très vite, la troisième génération marque les mémoires collectives de son sceau. Marc Veyrat fait ses premières armes dans le chalet familial, avant de prendre son envol triplement étoilé et Marie-Ange –sœur du cuisinier chapeauté– reprend définitivement les rênes de la maison en 1981. L’histoire d’une maison et de ses personnalités s’écrit et l’aura de cette lignée de femmes plane aujourd’hui encore sur les lieux. La 4e enfin, celle des enfants de Marie-Ange, Isabelle Loubet-Guelpa et Éric Guelpa, ne déroge pas à la tradition, même si un vent de modernité s’est tout naturellement insufflé.

CUISINER SOUS UNE BONNE ÉTOILE
En gardiens d’une histoire à laquelle ils sont profondément attachés, Isabelle et Éric n’ont pas moins marqué l’évolution. À la disparition de leur maman Marie-Ange en 2009, Éric qui n’est alors pas vraiment de la partie et nourrit d’autres appétences –bien qu’il ait son CAP cuisine en bagage–, n’a pas le temps de réfléchir. La saison débute quelques jours plus tard et il faut passer derrière les fourneaux. Qu’à cela ne tienne. “J’ai très rapidement apporté ma vision de la cuisine pour passer la carte, sur laquelle figure alors le lapin au serpolet, à une cuisine plus innovante. Une cuisine précise en goûts, directe”. Et en effet, derrière le personnage qui se qualifie sans complexes de «fort en gueule», on perçoit l’étoffe d’un montagnard au grand cœur, féru de produits du terroir, qu’il aime travailler à sa façon, bourrée d’imagination. À tel point que certaines de ses créations sont devenues de vrais plats signatures, à l’instar de ses rissoles aux cèpes, émulsion de foie gras et rabasse fraîche (truffe parfumée) ou encore de ses ravioles de homard, écrevisses du Léman au Beaufort, jus de carcasse. “Même si je le voulais, je ne pourrais plus les supprimer de la carte, ils sont attendus !”. Celui qui confie ne pas regarder ce qui se fait ailleurs et revendiquer une totale singularité a su réussir la synthèse entre les marqueurs typés du territoire et ses envies d’exotisme. Sa truite à chair rose, gingembre, citron vert et glace à la moutarde en a été la parfaite illustration. Une vraie passion pour les champignons, des touches de reblochon, des poissons de lac et de rivière, Éric Guelpa a les pieds bien plantés dans sa terre, mais n’en a pas moins la tête pleine d’étoiles. Mais certainement pas celles sur papier, il n’en veut pas ! C’est le prix de la liberté. En découle une cuisine surprenante, mais qui ne berce pas dans l’ostentation et doit tout à la générosité de ceux qui l’élaborent. Plus que jamais, en cuisine comme au service, la famille, qui s’est agrandie avec l’arrivée des cousins Mireille et Pierre, porte les valeurs qui les ont forgés avec pour leitmotiv hérité de leur grand-mère : “tout ce que la nature nous donne, c’est ça de moins à acheter !”. Le bon sens des gens de la campagne qui n’ont pas attendu que les circuits courts et productions locales ne deviennent les égéries de la tendance pour être en harmonie avec ce qui les entoure.

D’ÂMES DE CŒUR
Que ce soit à la table ou dans les chambres et suites des chalets, bâtis de toutes pièces pour certains par Éric, les lieux pétillent d’humanité. Le feu crépite dans la cheminée, les épaisses peaux de mouton recouvrent fauteuils et canapés, les bibelots d’inspiration montagnarde ont chacun une place de choix. C’est dans cette atmosphère feutrée que l’on retrouve sans doute le plus l’esprit que lui a insufflé Marie-Ange Guelpa-Veyrat. “Ma mère avait un goût très sûr, elle passait des heures à chiner et à troquer les vestiges des années 70 hérités de sa mère contre des meubles de bois massif et objets anciens”, raconte tendrement Isabelle. En parfaite héritière, celle qui s’initie aujourd’hui à l’herboristerie n’a pas fini de raconter l’histoire de sa famille et de perpétuer la lignée de ces femmes de cœur qui ont donné à la Table de Marie-Ange toute leur vie et toute leur âme.
+ d’infos : La Table de Marie-Ange
4910 Rte du Col de la Croix Fry, Manigod – 04 50 44 90 16 Menu à partir de 75€ – http://hotelchaletcroixfry.com