laura guillet
au canada

laura guillet au canada

Trappeurs de rêves

La vie sauvage, la vraie, genre back into the wild, avec cabanes en rondins, rencontres poilus (on parle d’ours, hein?)… tentant, non? Alors ouvrez les vans, cap sur les rocheuses canadiennes avec Laura,
 31 ans, la belle au bois outdoormant, pour une découverte de la montagne version géant!

Laura Guillet

L’ outdoor, c’est son truc. Alors, forcément quand on habite Paris, la vie manque de relief pour Laura Guillet… Une chance! Grenoble offrait la possibilité de réaliser son internat en médecine… alors ni une, ni deux, pour éviter tout traumatisme, elle change de région. C’était il y a 6 ans.

Désormais médecin anesthésiste réanimateur, elle a aussi tous les symptômes d’une «montagne addict». “J’ai toujours été attirée par les Alpes et les sommets. Je pratique beaucoup d’activités de plein air en général : ski de rando, alpinisme, escalade… C’est d’ailleurs pendant mes sorties en montagne que j’ai vraiment pris goût à la photo avec cette envie de saisir des instants privilégiés, des lumières, des ambiances… et de (re)partager cela avec mon entourage, de retranscrire par l’image les émotions que je vis en montagne.” Deux passions qu’elle développe fiévreusement dans la région, mais aussi de par le monde…

Ses tous premiers voyages, elle les fait aux États-Unis, au pays des grands parcs comme Yellowstone. Les grands espaces, la pleine nature… c’est ce qui la (ré)anime. Puis, elle part au Népal, en Indonésie… Enfin, en septembre dernier, elle opte pour une petite cure de vie sauvage avec le Canada et ses Grandes Rocheuses.

UN COUP DE MOUSSU

“Je suis partie avec deux amies : en itinérant, on était libres de nos trajets, on s’est laissées aller au gré de nos envies, des occasions, de la météo…” Arrivée à Vancouver, elle passe quelques jours à découvrir cette ville cosmopolite en harmonisation parfaite entre mer et nature. Puis, au volant d’un van, elle embarque pour Victoria Island, l’île de Vancouver.

“J’ai adoré le caractère vraiment sauvage de la côte ouest vers Tofino, le climat unique de cet endroit avec ses immenses plages de surfeurs qui prennent la brume le soir… Les grandes forêts humides et moussues s’arrêtent sur ces plages désertes à perte de vue, avec des côtes déchiquetées, des rochers… Il y reste encore plein de petits coins secrets et indomptés…” Lors d’une balade en mer, elle rencontre même les baleines, un pur moment de bonheur au coucher du soleil.

Puis elle repart sur le continent. Direction le parc de Jasper – le plus grand parc national du Canada et aussi l’un des plus anciens – avec ses reliefs qui se rapprochent des Alpes, mais à l’échelle de l’Amérique du Nord : sur des centaines de kilomètres, on peut ne rien croiser… sauf peut-être un loup! “En arrivant à Jasper, on a eu la chance d’en voir un sur la route, une rencontre surnaturelle… Mais on n’a pas vu d’ours pendant ce séjour, beaucoup de traces de pattes par contre… En revanche, les cervidés étaient plutôt nombreux et on a croisé des orignaux avec leurs petits!

AURORE FATALE

Entre Jasper et Banff, elle passe une nuit dans une cabane au bord d’un lac au-dessus de Bow Hut. “C’était très sauvage. Pas une remontée mécanique, personne… Alors que cela arrive rarement fin septembre, on a eu la chance de voir danser les aurores boréales toute la nuit grâce à une tempête magnétique qui passait par là…”

Plus elle avance dans leur parcours, plus le temps change… et la neige commence même à tomber! “Cette année-là, la Colombie Britannique et l’Alberta ont été touchées par de puissants feux de forêt, des parcelles entières sont parties en fumée. J’ai fait une photo de ces troncs noirs calcinés qui contrastent avec la neige, c’était une ambiance vraiment étrange et saisissante…”

FEU DE JOIE

Après avoir traversé une myriade de grands lacs, des miroirs parfaits avec leurs eaux turquoise éclatantes comme le Lac Louise, elle s’arrête un jour sur une aire sauvage, mais aménagée… “Ici, tout est prévu pour jouer au trappeur! Le bois pour le feu, la rivière… Le pavé de saumon à faire griller! On y a d’ailleurs rencontré une habitante de Jasper qui était en train de faire ses bottes en peau et fourrure. On a discuté avec elle toute la soirée autour du feu… C’était un peu cliché, mais tellement sympa!”

Son voyage se termine à Calgary, la capitale canadienne des cowboys, histoire de faire un petit coucou à un ami qu’elle avait rencontré au Népal sur le camp de base de l’Annapurna. Une dernière occasion de faire une sortie en montagne, de profiter des couleurs de l’automne et des premiers flocons de la saison…

Loin d’être vaccinée contre l’aventure, elle en reprendra une petite dose bientôt : la Sicile en octobre, puis peut- être l’Ecosse et encore le Canada, mais en hiver cette fois… En attendant, c’est un bon shoot de montagnes alpines en intraveineuse qui l’attend cet été lors de bivouacs au sommet du Mont Aiguille, d’ascension de la Dent de Crolles et de balades dans son massif de cœur, le Chablais et les Gets…

+ d’infos :
lauraguillet.com

Laura Guillet

laurent boiveau 
à madagascar

laurent boiveau à madagascar

star du trek

Avouons-le, ce titre, c’est surtout pour le jeu de mots… Car de la star, Laurent Boiveau n’a ni les caprices, ni la suffisance, mais le talent certainement. Son domaine de compétences à lui, c’est la marche, à la verticale ou à l’horizontale, de préférence dans des contrées reculées, et c’est souvent du côté de Madagascar que ce Savoyard d’adoption aime aller traîner.

Laurent Boiveau

Il y a, chez Laurent Boiveau, ce mélange de sérénité et d’impatience qui caractérise les grands voyageurs. Ses jambes ne tiennent pas en place, ne songent qu’à se mettre en mouvement pour repartir, mais dans sa tête, c’est très posé. Comme si la somme de rencontres, de situations toujours différentes et de confrontations aux éléments, l’avait lesté… Ça doit ressembler à ça l’expérience. La cinquantaine, naturellement hâlé et athlétique, ce Nantais s’est d’abord confronté à l’océan, c’est un marin, un «voileux» comme il dit, «mais [son] truc, c’est la montagne». Il s’est également essayé à l’enseignement, comme prof d’EPS, pendant une année après laquelle il a démissionné : “c’était trop régi, et moi j’aime faire ce que je veux, où je veux, quand je veux”. On n’est pas surpris. Il a donc passé tout un tas de brevets d’états, « mais ça on s’en fout » et s’est fait accompagnateur en montagne, partageant sa vie entre les saisons à Courchevel et les périples à l’autre bout du monde.

CHERCHEUR D’HORS

Adepte des grandes traversées, il a passé des semaines entières dans le Sahara ou l’Himalaya pour le compte d’une agence spécialisée dans le voyage à pied. Mais, il y a 6 ans, quand celle-ci s’est délestée des guides européens au profit de guides locaux, il a monté sa propre structure. “J’encadre des gens dans le voyage parce que c’est une passion, mais je me garde toujours un mois ou deux pour moi, pour repérer, pour faire de la photo et pour écrire.”

 

Ethiopie, Pakistan, Ladakh, Désert de Gobi… il défriche, cherche de nouveaux itinéraires, hors des pistes connues. “J’essaie d’éviter le tourisme de masse, ce n’est pas par élitisme, mais parce que le passage de trekkeurs en quantité dans des lieux reculés risque de dégrader la relation que tu as établie avec les gens sur place. Et puis je n’aime pas beaucoup me répéter, il y a tellement de choses à voir!” Chaque année pourtant, il retourne à Madagascar. En mai 2017, il marche notamment dans le Makay, une des régions les plus isolées du pays, partiellement explorée par les scientifiques, où il avait été le premier, 5 ans auparavant, à effectuer un trek d’envergure. “C’est un massif labyrinthique très minéral, très visuel et c’est là que se cachent les voleurs de zébus, les Dahalos. Il y a un potentiel incroyable, des points de vue magnifiques, des zones sèches, des zones humides, des palmiers, des plages de rivière, des canyons d’eau et de sable blanc… C’est un de ces lieux où « découvrir » n’est pas un vain mot : le nord évolue à chaque voyage.”

L’HUMAIN DANS LE SAC

Pour voir du monde, il bascule ensuite vers les hauts plateaux et le corridor forestier (ndlr : les reliques de forêts qui longent toute la partie Est de Madagascar), passe d’un village à l’autre, tous différents selon les ethnies – Madagascar en compte 18 différentes.

“J’adore prendre le temps, discuter avec les gens… je ne traverse pas la moitié de la planète pour rester en dehors de la vie! Je suis tombé dans des endroits, comme dans la vallée du Sakaléona, où ils n’avaient jamais vu un homme blanc. Parfois, bien sûr, ils n’ont pas de téléphone, même pas forcément de miroir non plus, ils ne sont habitués qu’à leur reflet dans l’eau, du coup, quand ils voient une photo de groupe – j’en prends toujours, et des portraits, beaucoup aussi – , ils montrent leurs amis, mais pas eux, car ils ne se connaissent pas!”

MADA ‘BOUT YOU

A force d’arpenter l’île aux Lémuriens, Laurent en a intégré le modus operandi. “Même dans les coins perdus, il faut aller se présenter au «Président» ou au chef, surtout la première fois, et ils te font une sorte de laisser-passer à présenter au village d’après. On se réunit, on parle beaucoup, et on boit du rhum local, le Tokagasy, qui sert aussi à faire des offrandes quand on doit traverser une rivière par exemple.” Mais le mot qu’il ne faut surtout pas oublier c’est fady, ce qui est tabou, interdit.

“Tu le vois, tu fais un truc et tout le monde est un peu sur la retenue… par exemple, on ne s’assied pas sur un sac de riz, c’est fady, car c’est de la nourriture de base. Parfois, c’est plus surprenant, comme ne pas manger les anguilles noires, parce que d’après la légende, un pêcheur se serait endormi et une énorme anguille aurait mordu à son hameçon, l’entraînant par le fond. Tu apprends ça avec les pisteurs ou en faisant un impair, mais pour que tout se passe bien, le mieux c’est de se renseigner auprès du tangalamena, le doyen.”

J’adore prendre le temps, discuter avec les gens… je ne traverse pas la moitié de la planète pour rester en dehors de la vie!

Ces codes qui régissent les relations, et les différents moments de la vie malgache, les voyageurs ont tout intérêt à les respecter. “Si on en croit le Quai d’Orsay, Mada a une réputation déplorable, où les touristes sont victimes d’agressions, mais souvent, ce sont eux qui font des conneries! Amener les gens là-bas contribue, j’espère, à améliorer leur compréhension et donc l’image du pays.”

+ d’infos : www.tekenessi.fr

Photos : Laurent Boiveau

guillaume nédellec 
en inde

guillaume nédellec en inde

capteur de lumière

Ses photographies révèlent le visible et esquissent l’invisible. A travers ses images de voyages, Guillaume Nédellec livre son cœur et délivre son âme. En Inde, il a tracé ses propres chemins sacrés.

Guillaume Nédellec
Un grand-père se protégeant de la chaleur surveille ses petits-enfants sur la plage d’Allepey, dans le Kerala.

Récemment installé avec sa compagne près de Chambéry, Guillaume Nédellec est designer graphique, formateur et photographe free lance. Mais entre hier et aujourd’hui, entre l’Isère, la Savoie et Paris, il a eu d’autres vies… Responsable d’hébergement dans des résidences de tourisme, voyageur au long cours, le presque quadragénaire a parcouru le monde. Et puis, il y a douze ans, la photographie est entrée dans son existence grâce à un cadeau de son père. Et à un reflet sur un verre, à capturer.

Une révélation, une révolution. Sans doute une bénédiction. Depuis, c’est l’appareil en bandoulière qu’il arpente la terre, toujours à la recherche de (sa) lumière…

Fort Kochi, sur la presqu’île de Mattancheri. Parapluie indispensable en période de mousson !
Une famille indienne en train de manger une crème glacée orange à Mahabalipuram, une station balnéaire.
Promenade de front de mer, Fort Kochi, sur la presquîle de Mattancheri.

INDE, ET SI…

On ne va pas en Inde par hasard. Chacun mène là-bas sa propre quête, en un subtil entrelacs de développement personnel et d’ouverture aux autres. Terre d’impressions fortes et de contrastes, le pays, ses habitants, ses couleurs, ses odeurs, séduisent, interpellent, bousculent, dérangent parfois. “Tout y est intense. C’est un vrai choc culturel. Quand on est en Inde, c’est bien simple : on ne sait plus où on habite, mais en même temps, j’adore cette sensation”, reconnaît Guillaume.

 

L’Agni Teertham, bien qu’en dehors du temple Ramanathaswamy, est un bain tout particulier, tenu en haute estime par les pèlerins.

Son Inde à lui, il l’attendait depuis une enfance emplie de rêves de Taj Mahal et d’envies de voyages. Ce n’est pourtant qu’à l’orée de la trentaine qu’il s’envolera pour la première fois vers la lointaine contrée. Non sans avoir pris, au préalable, quelques chemins détournés… : “Je voulais absolument y aller, mais en même temps j’avais une sorte de peur. J’ai donc commencé par me rendre en Chine et en Indonésie, puis enfin en Inde. Là, ce fût merveilleux du début à la fin, tout était synchrone, fluide, naturel. C’était le voyage que j’attendais depuis toujours!”.

Dans le temple de Brihadesvara de Thanjavur, les Indiens aiment prendre la pose et se faire prendre en photo avec un éléphant, incarnation du Dieu Ganesh et puissant symbole de sagesse
Une vendeuse de fleurs de jasmin observe le bateau conduisant la statue du Dieu Ganesh lors du Ganesha Chaturthi qui a lieu une fois par an à Pondicherry.
Des vendeurs ambulants parcourent une des plages à Chennai àla recherche de clients le soir venu.

L’EAU DE LÀ

Une expérience que le photographe baroudeur réitère trois ans plus tard, d’août à fin septembre 2011. Avec un peu moins de sérénité… “Je ressentais le besoin d’y retourner. Je suis parti sac à dos au Ladakh, à l’extrême nord du pays, avec mon appareil photo et mon enregistreur. J’avais dans l’idée de travailler sur le Gange, de faire un reportage évoquant la partie spirituelle de ce fleuve qui – pour les hindouistes – représente une porte entre le monde d’ici et l’au-delà. Mais j’ai eu un accident de rafting sur une autre rivière. Et pour le coup, j’ai failli y laisser ma vie! Tout est alors devenu compliqué, je n’avais vraiment plus envie de rester là… J’ai décidé de laisser tomber le sujet et j’ai réorganisé mon itinéraire en l’adaptant à la mousson qui était tardive cette année-là. Je suis parti faire une boucle vers le sud, dans l’état du Tamil Nadu. J’ai fait ça sur un coup de tête, mais cela n’a rien de surprenant en Inde! Il n’est pas rare de se retrouver tout à coup en train de faire autre chose que ce qu’on avait prévu”.

Portrait d’un conducteur de rickshaw dans le centre de Trichy.

Un jour des jeunes au crâne rasé m’attendaient à la sortie d’un temple. C’étaient des hindouistes en pélerinage qui m’avaient vu prendre des photos et qui voulaient que j’en fasse d’eux. Ils les utilisent depuis comme images de profil sur Facebook !

LIBRES ÉCHANGES

Des tours et des détours décidés de son propre chef ou entrepris en suivant les conseils d’autres voyageurs croisés au gré du périple et qui préconisent la visite de tel ou tel endroit. Autant d’occasions d’emprunter des chemins permettant à la fois de se tourner vers soi et d’aller à la rencontre des habitants. Pour Guillaume, beaucoup sont des âmes que l’on remarque et des personnalités qui marquent, tels ces «enfants qui ont les yeux habités d’une lumière comme s’ils avaient déjà vécu toute une vie» ; ou encore ces sadhus, sortes de sages, de moines mendiants, qui ont fait vœu de pauvreté et se désintéressent de la vie matérielle ; ou ces engagés dans l’humanitaire qui luttent à leur manière contre les ravages de la misère. La communication s’établit grâce au langage, mais peut-être plus encore par les regards ou au travers de l’appareil photo : “Un jour des jeunes au crâne rasé m’attendaient à la sortie d’un temple. C’étaient des hindouistes en pèlerinage qui m’avaient vu prendre des photos et qui voulaient que j’en fasse d’eux. Ils les utilisent depuis comme images de profil sur Facebook!”.

BAIGNER DANS LA LUMIÈRE

Ponctué de belles rencontres, le voyage l’est aussi de moments particuliers. “L’un des plus marquants pour moi, c’est le reportage à Rameswaram, un des hauts lieux de pèlerinage hindouiste. Ma meilleure amie, qui est médium, m’avait demandé de lui ramener une image un peu spirituelle. J’avais repéré les lieux la veille et senti l’énergie qu’il y avait là. Je suis donc allé directement à côté du temple dédié à l’eau, au bord de l’océan. Il était cinq heures du matin et la plage était déjà pleine. C’est assez étonnant de voir la ferveur qu’il peut y avoir parmi tous les pèlerins. Ce matin-là, il y avait une énergie très particulière, très spirituelle, une ferveur collective qui nous dépasse. Pour faire mes photos, j’ai choisi une technique de pose longue que j’avais déjà utilisée auparavant. L’idée c’était de laisser «entrer le temps dans l’image» pour faire rentrer autre chose, une espèce d’essence particulière. Finalement la photographie est peut être un chemin de vie qui m’oriente vers la lumière…”.

+ d’infos : www.gui-n.com

Photos : Guillaume Nédellec

bhoutan’s train !

bhoutan’s train !

erik sampers au bhoutan

Bien au chaud entre l’Inde et la Chine, le Bhoutan nous invite au voyage. Destination coup de cœur d’Erik Sampers, photographe et grand reporter primé au world press photo 2018, ce petit bout de terre est connu pour sa politique du bonheur national brut. Une escale, ça vous dit ?

Erik Sampers

Prenez un coucou, une dose d’espoir et attachez votre ceinture… à l’arrivée, ça va décoller ! Pas de temps à perdre et dépaysement garanti, Erik rentre direct dans le sujet : “En 1992, la première fois que j’ai mis les pieds à l’aéroport, c’était une guérite plantée au milieu des montagnes et c’est tout. 15 ans après, c’est un peu moins sommaire, mais toujours aussi escarpé, très peu de pilotes y ont accès tellement ça pique du nez, faut vraiment pas se rater !”

Atterrissage sous contrôle, lot de surprises et recoins secrets en vue, en chemin !

Locaux motiv’

Une unique route tortueuse traverse le pays et vous conduit à Tim Phu, la capitale, où tout reste volontairement rudimentaire : “Avant 1974, le Bhoutan était fermé au tourisme et au monde extérieur. S’il reste encore peu accessible, il s’adapte un peu, mais offre surtout le luxe de vous parachuter cent ans en arrière, hors de tout schéma. L’important ici n’est pas la richesse financière, mais le bonheur. L’ancien roi Jigme Singye Wangchuck l’a même fait inscrire dans la constitution, leur PIB, c’est la nature et la religion, c’est vraiment unique.”

Jeans interdits il y a encore peu, internet et télévision à dose homéopathique, un seul feu rouge, cigarette interdite… tant de particularités signent cette volonté de préserver coutumes et environnement sans superflu et loin de tout excès : “C’est le seul pays qui affiche une empreinte carbone négative et qui produit plus de ressources qu’il n’en consomme. Le panorama est exceptionnel, les forêts et parcs nationaux sont intacts et prédominent, rhododendrons en masse et végétation généreuse, dans les villages escarpés, il n’est pas rare de croiser panthères des neiges, tigres ou tout autre animal sensible au climat, tranquilles, en toute liberté! Tout est dans son jus, dans la simplicité même, rien que pour voir ça, ça vaut le coup de crapahuter!”

TREK GRAND VERTIGE

C’est équipé d’un cheval, d’un guide et du nécessaire de survie à la mode du coin, qu’Erik prend la route des trésors cachés loin de la capitale. Ce qui l’anime? 

L’anecdote derrière un regard, l’histoire secrète d’un sourire, la vie cachée, là, au milieu de nulle part. Prendre de l’altitude avant de cueillir l’authentique? Sacrée programme!

Habitué des treks, marcher des jours entiers ne lui fait pas peur, plus il avance, plus la déconnexion est totale : “On a fait trois jours de marche et on est arrivé dans la vallée de l’Aya, un microcosme fabuleux au cœur des montagnes. En pleine autarcie, ils font tout eux-mêmes. Ils vivent dans des maisons sommaires avec des décorations en bois somptueuses, battent le riz, élèvent des yacks. Les femmes portent de drôles de chapeaux coniques avec une petite pointe pour être en connexion avec le ciel, tissent les vêtements… C’est un autre monde! Je me souviens des enfants qui partent le matin le ventre vide et attendent d’être à l’école pour dévorer le bol de riz de la journée. Je me rappelle aussi du petit-déjeuner des plus adultes, du riz au piment – ou plutôt l’inverse! – accompagné d’une tasse de thé au beurre de yack. Dépaysant, mais parfois raide! Ils vous accueillent à bras ouverts, il faut faire honneur, mais c’est tellement épicé que c’est souvent immangeable! Mémorable… En somme, ce sont des gens heureux, qui se contentent de ce qu’ils ont et qui vous offrent sourire et belle leçon de vie. Si pour vous, c’est du folklore, pour eux, c’est la vie.”

Et question folklore, ils ne sont pas en reste!

GARE AUX ESPRITS !

Une fois par an, au printemps, une grande fête, le tsechu, est organisée dans les dzongs des villages, monastères bouddhistes symboles du Bhoutan : “Il faudrait voir ça au moins une fois dans sa vie, c’est sublime! Ils portent tous la kira et le gho, vêtements typiques du pays, des écharpes en soie et autres incroyables costumes. Les villages s’habillent de mille couleurs, c’est magnifique! Ça commence par un spectacle de clowns – souvent des moines -, habillés pour faire rire, qui utilisent au cours de leurs danses des phallus en bois pour énerver les jeunes femmes qui, elles, rient aux éclats. Si pour nous la connotation est évidente, pour eux, c’est la normalité. Puis, il y a les danses plus religieuses, plus spirituelles comme l’arche de feu. Plus vous franchissez l’arche en premier, plus le bonheur tapera à votre porte l’année d’après, c’est la bousculade! ”

A travers masques et rubans colorés, s’ils laissent libre cours à leur plaisir sans limite, Erik nous remet sur les rails et insiste sur l’importance de la religion et de la spiritualité, même une fois la fête finie: “Elle est partout dans leur quotidien. Emménagement, maladies, décès ou tout évènement de la vie, les moines amènent trompettes et tambours pour évacuer les mauvais esprits, attirer les bons. Des phallus sont aussi peints sur leurs maisons pour apporter fertilité, prospérité et bonheur.”

C’est Drukpa Kunley qui serait à l’origine de ces croyances. Moine un peu fou et messager des plaisirs, il serait arrivé sur un tigre volant, au 15ème siècle, dans le monastère de Taksang, apportant avec lui le bouddhisme tantrique! Protection contre le mauvaise œil, apologie des plaisirs… tout viendrait de là.

Après 4 voyages au Bouthan, Erik reconnaît : “Ce peuple en perpétuelle connexion avec la spiritualité et la nature, cette quête incessante du bonheur ne me laissent jamais intact. A chacun de mes retours en France, je me fais la promesse de suivre leur modèle, de mettre à profit l’expérience incroyable que le Bhoutan m’a offerte, mais malheureusement, ça ne dure qu’un temps…” Avant de repartir…

+ d’infos : www.eriksampers.com

Photos : Erik Sampers

anaïs bajeux en amazonie

anaïs bajeux en amazonie

amazone à défendre

6 mois. c’est ce qu’Anaïs Bajeux s’est donné pour partir en orbite dans une galaxie de chlorophylle: l’Amazonie. Quand certains étendent leur serviette de plage et font des selfies, cette jeune Chamoniarde accroche son hamac entre deux arbres en pleine jungle et filme l’en-vert du décor d’une forêt mystérieuse et menacée…

Anaïs Bajeux

Oser tout claquer pour partir à l’autre bout du monde… A seulement 23 ans, Anaïs s’est engagée dans une aventure particulière. À l’origine, son idée était de faire une sorte de voyage «initiatique», seule… ou presque: avec un cheval en Asie! Finalement, ne se sentant pas encore prête pour ce genre d’aventure cavalière, c’est sur l’Amazonie qu’elle a jetée son dévolu. “J’habite Chamonix, où la nature est omniprésente. Je peux y observer le changement climatique en marche, où les glaciers fondent aux rythmes effarants des hivers de plus en plus doux… C’est sans doute cette urgence, cette sensibilisation pour l’environnement qui m’a poussé à explorer l’Amazonie.”

Loin de faire du tourisme, son but était de comprendre l’impact de la déforestation et surtout de partir à la rencontre des peuples indigènes… Avec la volonté farouche de réaliser un vieux rêve de gosse: pénétrer dans cette forêt primaire, luxuriante et énigmatique, l’un des derniers grands réservoirs de biodiversité de la planète, représentant la moitié des forêts tropicales du monde. En danger.

MILLEFEUILLES DE ROUTE

Juin 2013. Elle débarque donc au Brésil. Pas seule comme prévue, mais avec Mickael, son nouveau compagnon de vie et de voyage… et de son matériel amateur pour réaliser un documentaire: son film, dans lequel elle veut dénoncer l’ampleur et les conséquences de la déforestation. De ce périple, le jeune couple a ramené un film «Amazonia, voyage en terres indigènes», ou comment partir autrement… Avec une feuille de route, pour le moins sommaire, indiquant quelques endroits clés, les noms d’associations à rencontrer, ceux de personnes «crédibles» à interroger pour leur documentaire, ils entament alors leur virée de 6 mois.

“Lors du trajet interminable en bus pour rejoindre notre première étape, la seule chose que l’on voyait, c’était des champs. A perte de vue… c’était très déstabilisant car cela n’avait rien à voir avec l’image que l’on se faisait de l’Amazonie ! Pas de forêt, saccagée, ou pas, juste des champs… En fait, la région est tellement vaste, que la déforestation est parfois «invisible» du sol. Il n’y a que par satellite que l’on peut la voir…” C’est en bateau que les deux explorateurs arrivent enfin dans le vif du sujet… et de la forêt, le théâtre magique de souvenirs inoubliables.

Mickael et Anaïs

“Dormir dans un hamac en pleine forêt, connaître cette sensation d’être minuscule, écouter les bruits d’animaux qu’on ne voit pas… et qu’on ne verra quasiment jamais… Et ce n’est pas faute d’essayer. Un jour, on est même parti en canoë pour essayer d’en apercevoir quelques-uns, mais rien… jusqu’à ce bruit en rentrant au campement : un moteur à réaction juste au-dessus de nos têtes! C’était un énorme aigle-harpie, il avait son nid au-dessus de nos hamacs. Le bruit, c’était lors de sa descente en piqué jusqu’à celui-ci… Impressionnant!”

Pour tout dire, les seules bêtes que le jeune couple ait vues régulièrement, ce sont… des vaches! “Elle sont élevées pour la viande et le cuir. Un élevage responsable à 80% de la déforestation en Amazonie où l’équivalent d’un quart de la superficie de la France disparaît chaque année…”

BIJOUX MENACÉS

Pendant un mois de trek dans le Guyana, accompagnés d’un guide, ils partent à la rencontre des populations locales. Et observent que même ici, la mondialisation a fait son œuvre. Dans les environs des chutes de Kaieteur, c’est un patron de mine, Neal James qui leur ouvre les yeux sur certaines réalités. “Tout le monde dit que les mines détruisent l’environnement avec l’utilisation du mercure, mais les mineurs essayent de vous contenter, vous les consommateurs ! Ils s’échinent à trouver de l’or et des diamants, pour toi, pour tes bijoux…”

Autre moment fort en réflexion, le passage sur le site de Belo Monte, le troisième projet de barrage hydro-électrique le plus puissant du monde. “C’est un projet vieux de plus de 40 ans, relancé par le Programme d’Accélération de la Croissance, mais extrêmement controversé car il impacte, de façon considérable, la vie des communautés vivant au bord du fleuve Xingu. En fait, ce n’est pas un, mais 7 barrages qui vont être construits : c’est un peu comme si un barrage à Amsterdam allait avoir un impact jusqu’à Madrid… Le problème, c’est que cette électricité produite pour les grosses villes du Sud ne bénéficie pas aux habitants de la région. Ces énormes infrastructures vont causer des dommages irréversibles au niveau de l’environnement et des populations : 600 km2 de terres seront à terme inondées et plus de 40.000 personnes déplacées. Un désastre écologique et humain…”

CHAMPS DES POSSIBLES

Il leur aura fallu 5 mois pour arriver au but ultime du voyage: rencontrer une tribu vivant dans cette région de Xingu et partager quelques instants de vie avec elle. Objectif: comprendre comment ce peuple peut (sur)vivre, alors qu’il est en totale dépendance avec la nature, qui disparaît.

C’est le petit village de Kuikoro, au Brésil, qui les a accueillis. Le couple les a contacté via… Facebook! Et oui, une façon comme une autre de contourner les lourdeurs administratives de demande d’autorisation du gouvernement… “Beaucoup de jeunes sont connectés sur Facebook aujourd’hui, et cela même au fond de la forêt amazonienne… Ce village a créé une association dont le but est de préserver leur culture par l’enregistrement de vidéos et bandes sons. Nous avons pris contact avec ces jeunes qui nous ont invités.”

Après une longue traversée de champs désolés et vides, destinés à recevoir des cultures extensives de soja OGM et de bétails aux hormones, ils arrivent enfin… “Dans cette beauté d’un monde oublié, nous avons rencontré le chef Afukaka, un moment très fort pour nous et très émouvant… Il s’inquiète de l’avenir de son peuple. Ici, la rivière est en train de mourir alors que la pêche fait partie de leur quotidien, tout comme la forêt qui leur fournit les fruits de leurs cueillettes.” Une fin de voyage où un équilibre fragile entre traditions et modernité est mis à nu, comme ces parcelles de forêt…

+ d’infos : latribudessauvages.fr

La Tribu des Sauvages

cuisine nomade par cuisin’situ

cuisine nomade par cuisin’situ

un petit plat pour l’homme…

Ventre affamé n’a pas d’oreille… mais des jambes! Pas question de pédaler dans la choucroute pour Caroline Lopez et Anthony Laguerre, assoiffés d’aventure et de découvertes culinaires, leur tour du monde des saveurs, ces Grenoblois le feront à vélo. 400 jours, 10.000 km, 25 pays et des dizaines de recettes plus tard, ils nous offrent alors un festin d’images, un vrai régal pour les yeux et les papilles…

Cuire un œuf dans une source d’eau chaude au Japon ou une daurade dans un jaillissement bouillonnant à 80° de la mer Egée, réaliser un savoureux brownie à l’avocat en Amérique du Sud ou tenter une tarte aux pommes sans four en Italie… Il n’y a pas que les sources chaudes qui bouillonnent, les idées de recettes jaillissent de la tête de Caroline à chaque étape de cette aventure gustative à vélo qui a débuté en octobre 2014.
Avant d’être aventurière, Caroline est designer culinaire. C’est cette passion pour la cuisine qui l’a poussée à mijoter ce tour du monde avec son compagnon sur une thématique gastronomique. Sur leur vélo pliant, c’est toute leur maison qu’ils ont empaquetée… avec une cuisine de poche constituée de quelques éléments essentiels de base. “L’idée de ce voyage était de mieux se connaître et voir le monde de nos propre yeux. L’avantage du vélo, c’est qu’on est tout le temps dehors, au grand air, au contact des populations… En parallèle, j’avais ce projet de partager mon expérience sur la cuisine en voyage à travers mon blog Cuisin’situ (qui est devenu un livre) en proposant des astuces pour transformer une poêle en four, des idées de recettes avec des produits trouvés sur place…”

Caroline Lopez et Anthony Laguerre

SÉJOUR ENTRE POPOTES

Avec 34 euros par jour, ils débutent leur périple à Grenoble et enchaînent les découvertes des pays: Italie, Croatie, Albanie, Grèce, Turquie… Pour dormir, c’est sous la tente, en auberge de jeunesse ou chez l’habitant.

En Turquie par exemple, ils rencontrent Birkan. “Nous devions dormir chez cette femme, à Soma. Ce fut une rencontre incroyable! Dès qu’elle nous a vu, elle nous a pris dans ses bras comme si on faisait partie de la famille. Elle nous a ouvert sa porte, fait un lit, son mari est arrivé avec les bras chargés de nourriture traditionnelle turque… Le lendemain, elle nous a accompagné à la gare, nous a donné sa part de petit déjeuner pour la route… Alors qu’on était dans une période où l’on souffrait pas mal du froid, ce qui est fou c’est que tout a basculé avec cette rencontre si chaleureuse et généreuse…”

Pas de beurre? Pas de problème, elle le remplace par de l’avocat pour faire un brownie moelleux à souhait! Pas de pain? Elle trouve 5 façons différentes d’en fabriquer: à la vapeur, à la poêle… et avec une technique mi-réchaud, mi-feu de bois!

PILE POÊLE !

De la Turquie, ils s’envolent ensuite pour le Népal, la Chine, la Thaïlande… “En Chine, on s’est régalé! C’est simple: c’est délicieux partout! Il y a une diversité incroyable, chaque province ayant ses spécialités. On a adoré aussi la Thaïlande! C’est un pays magnifique avec des endroits préservés du tourisme. La gastronomie y est hallucinante, les gens accueillants… On ramassait les noix de coco au bord de la route, on mangeait dans des petits bistrots pour 1 euro des plats copieux et fantastiques…”

En Corée du Sud, Caroline se met en mode «à ramasser à la petite cuillère» en attrapant une grosse bronchite au milieu de nulle part. “On s’est retrouvé un peu à survivre avec ce qu’on avait dans nos sacoches: un bocal de sauce tomate, de la purée en flocon et un peu de farine… Les éléments de base pour faire des gnocchis! Une idée recette ultra facile est alors née d’une histoire de bronchite…” Un coup de bol, quoi!

Après avoir parcouru le Japon de bas en haut et savouré une cuisine fine et délicate d’une complexité incroyable, ils décollent pour Vancouver et la côte Ouest des États-Unis. “Des paysages grandioses et sauvages… On surplombait des falaises avec des plages désertes, parfois on voyait des baleines en fond… Pendant un petit moment, les fleurs de carottes sauvages ont accompagné gaiement notre route… Cuisinées dans une pâte à beignets réalisée en un instant, elles nous ont permis de croquer dans ce morceau de paysage à l’heure du goûter!”

C’EST DU GÂTEAU !

En Amérique du Sud, ils admirent des panoramas donnant l’impression que le temps s’est arrêté. “On croisait des charrettes, du bétail… il y avait un petit côté irréel dans tout cela… c’était très déroutant! A la fin, on a fait la Patagonie, ses volcans, ses lacs, ses arbres qui datent du jurassique, ses ambiances… magiques!” Côté gastronomie en revanche, c’était plus décevant : coca à gogo, poulet frit, frites… les grosses agro-industries américaines sont passées par là…

Heureusement, Caroline ne se laisse pas abattre et cherche de nouvelles sources d’inspiration gourmande! Pas de beurre? Pas de problème, elle le remplace par de l’avocat pour faire un brownie moelleux à souhait! Pas de pain? Aucun souci, elle trouve cinq façons différentes d’en fabriquer: à la vapeur, à la poêle… et avec une technique mi-réchaud, mi-feu de bois! A chaque fois, elle met les bouchées doubles pour inventer de nouvelles recettes en passant à la moulinette les ingrédients à portée de main…

Loin d’avoir frôlé l’indigestion d’aventures, Caroline et Anthony ont bien l’intention de remettre le couvert du côté de la Thaïlande ou du Japon. A trois, cette fois, avec le petit Robinson sorti du four il y a quelques mois…

+ d’infos : www.cuisinsitu.400jours.com

Cuisin’Situ

Pin It on Pinterest