et tout le monde s’en food !
A y est ! Après les avoir attendus en vain à Lyon alors qu’ils squattaient la plupart des capitales internationales, les food courts déferlent enfin sur la capitale des gaules. Et il y a de la houle : pas un, pas deux, mais bien trois food courts sont annoncés dans l’année. A taaaaable !
«Food court»… Euh… je vous sens perplexes. Comme personne ne sait exactement ce que c’est (vous voilà rassurés !), rapide topo : les premiers food courts sont nés au tournant des années 70, dans les aéroports, les centres commerciaux d’Asie et d’Amérique du Nord. Le principe ? Dans un espace circonscrit, proposer plusieurs comptoirs de restauration à touche-touche, ce qui permet à chacun de piocher dans un répertoire culinaire différent, un souvlaki pour moi, un chou farci pour toi, tout en partageant une même table. La mouvance «food court» ou «foodhall» est directement reliée à la cuisine de rue et aux food trucks, servis sur trottoir. Autant de modes de restauration bien implantés dans le paysage mondial, révélateurs des changements de mœurs sur la manière de s’alimenter.
Depuis 2016, le Lyon Street Food Festival a contribué à mettre la ville sur la carte de la nouvelle food culture. Puis l’an dernier, La Commune, ancienne menuiserie de Gerland, reconvertie en immense cantine polyglotte de l’assiette – japonaise, malaisienne, basque, végane, italienne… – ouvrait le bal avec ses 12 corners et sa programmation éclectique (musique, conférences, marchés…) destinée à l’enraciner comme «lieu de vie», expression désormais détrônée par celle de «tiers lieu».

LYON RACCORDE LES WAGONS
Et dès ce printemps, trois autres food courts d’ampleur sont attendus de fourchette ferme : Food Traboule dans le Vieux Lyon, Heat à Confluence au sein d’un nouveau pôle numérique, et Le Jardin Perché à Caluire et Cuire qui, pour sa part, explore le versant «maraîchage urbain-restauration». Ouvert sous une forme embryonnaire durant l’été 2017, le potager à manger reviendra à la belle saison avec un programme et des cultures plus étoffées. Sachant qu’en 2020, un incubateur de chefs porté par Unibail, squattera également le toit de la future extension du centre commercial de La Part-Dieu. Une version coworking des fourneaux où les chefs pourront tester leur projet de resto.
“Comme dans beaucoup d’autres domaines, la France est parfois à la traîne des grandes tendances. Mais quand elle prend le train, elle passe directement en mode TGV !”, constate Cédric Dujardin, directeur général du Sucre, pour expliquer la soudaine bousculade au portillon. Pour lui, le sacro-saint rituel du repas assis au restaurant aux heures de service, plus vivace en France qu’ailleurs et une législation contraignante notamment en termes d’hygiène, freinent l’émergence de concepts novateurs dans l’Hexagone. Ce qui explique par exemple que Copenhague, bien que trois fois plus petite que Lyon, abrite déjà 5 food courts et que tous les quartiers de Londres possèdent le leur. “La junk food n’a plus la cote. Les modèles de consommation sont en pleine mutation et ont besoin d’être réinventés”, analyse Cédric Dujardin. “La forme food court est une des réponses à ce changement de mentalité” marqué par la figure d’un consommateur de plus en plus exigeant, qui souhaite avoir le choix, qu’il s’agisse du moment où il décide d’avoir les crocs, comme de la nature de son menu.

HEAT MOI
En mai, Arty Farty qui réfléchit aux enjeux de la food culture depuis un moment, notamment pour sustenter les clubbers de son rooftop au Sucre et nourrir les festivaliers affamés des Nuits Sonores, dévoilera aussi son food court au sein de la halle Girard, dite «H7» quai Perrache, au sud de Lyon. Halle qui a pour ambition de devenir la French Tech lyonnaise. Mission : créer une cafétéria en prise avec les codes du travail des entrepreneurs du numérique, sans bureau ni horaires fixes, qui mangent quand ils ont terminé leur développement, et non parce que c’est l’heure du casse-dalle. Sur 600 m2, HEAT se décomposera en six stands auxquels s’ajoute un bar tenu par Arty Farty. Grâce à un carnet de chefs déjà bien garni, 120 restaurateurs tourneront, qui en sont à différents stades de leur développement. “On pourrait, par exemple, imaginer une semaine qu’avec des spécialités italiennes”, se projette Cédric Dujardin.

LE VIEUX LYON PREND UN COUP DE JEUNE
Quant au Food Traboule, il a la particularité d’être piloté par deux chefs, Tabata et Ludovic Mey du restaurant les Apothicaires. Le lieu ? L’ancienne Tour Rose, hôtel-restaurant de luxe, à l’architecture renaissante, quasi moribond depuis une dizaine d’années suite au départ du flamboyant Philippe Chavent. Le couple de trentenaires a pioché en grande partie sur des deniers propres pour mettre sur pied leur Food Traboule, actuellement en travaux, rameuté la génération montante de la gastronomie gone : Le Bistrot du potager, Le Substrat, Lyon Gastro Pub, La Meunière pour la tradition bouchon, Piquin pour la street food mexicaine, les glaciers respectueux des saisons Unico, Florian Dubois pour la mixologie… Entre autres. Plutôt haut de gamme, l’adresse qui devrait commencer à embaumer la rue du Bœuf au printemps, occupera trois niveaux. Chacun pourra commander ce qui lui fait le plus envie à l’un des sept comptoirs équipés de cuisine, avant de boulotter le tout dans un espace commun de 220 places assises. Une petite révolution au pays de Bocuse.