PASCAL OBISPO

7 Déc 2021

SA LIBERTÉ DE CHANTER

Quand un artiste sort un album tous les 2 ans, lui en livre 20 en 9 mois ! Et toujours avec la même intensité. Et s’il en a vendu des millions dans sa carrière, Pascal Obispo n’est jamais plus heureux qu’en écrivant pour les autres, de Johnny à Pagny, de Patricia Kaas à France Gall… Musique !

Il y a des signes du destin qu’il faut saisir à deux mains. Un train au départ de Lyon, mon homme dedans, et un rang derrière, reconnaissable au premier regard, derrière ses lunettes noires, Pascal Obispo, celui dont les titres te prennent aux tripes, dont la voix te dresse les poils sur les bras, et dont le cœur, derrière ses airs de rocker, déborde de pudeur. Bref, mon homme avait 2 heures de trajet (et la promesse que je saurais me montrer très, très gentille) pour le convaincre de m’appeler. Je ne sais pas si c’est la perspective de me voir si reconnaissante, mais résultat des courses, le lendemain, Pascal m’appelait (oui, maintenant, il fait un peu partie de la famille !).
Une vingtaine d’albums «physiques» en 30 ans, des tubes comme s’il en neigeait, et une autre vingtaine d’albums «numériques» (disponibles sur son appli) livrés en seulement 9 mois ! L’artiste est prolifique et engagé, l’homme magnifique, un rien écorché.
Il a écrit ou composé pour les plus grands, mis le feu pour Johnny, fait «chanter» Florent Pagny, rendu zen Zazie… Garou, Marc Lavoine, Patricia Kaas et livré tout un album pour France Gall qu’elle ne chantera pas. La déception digérée, c’est lui qui le fera, 24 ans plus tard, avec «France» sorti il y a tout juste quelques semaines.
Au bout du fil, sa voix grave, conversation en chansons…

Activmag : Ado, vous avez été bercé à quoi, c’était qui votre «Chanteur idéal» ?
Pascal Obispo :
Dès 13 ans, quand je suis arrivé à Rennes, ça a été Philippe Pascal de «Marquis de Sade» qui a ensuite fondé «Marc Seberg». Alors que j’étais bassiste dans un petit groupe au Lycée, on a même fait leur première partie.

Le premier album acheté, celui dont vous avez dit : «Il est celui que je voulais»?
L’album de Police «Regatta De Blanc», après avoir entendu «Message in a Bottle». J’avais 15 ans.

Le 1er concert, le groupe dont vous êtes «Fan» ?
Marc Seberg ! Mais plus largement, mes premiers concerts, c’était aux Trans Musicales de Rennes. J’y allais pour prendre ma dose de rock.

Comment avez-vous su que vous en feriez votre métier, que «Chanter, vous ne savez que chanter» ?
Sans doute quand j’ai signé mon premier contrat, en 91, avec une maison de disque. J’allais pouvoir sortir du RMI, j’étais en fin de droit au chômage après avoir bossé à la Fnac à Paris… Donc, là, oui, avec cette signature, j’ai commencé à y croire.

Un père footballeur, ça ne vous a pas tenté une carrière à la «Zinedine» ?
Le problème, c’est qu’on n’hérite pas des gènes de nos parents ! Ça se saurait ! On hérite plutôt d’un environnement et d’un contexte social. Et mon père est parti quand j’avais 8 ans. Fin de l’histoire. Du coup, je n’ai même pas essayé.

Au final, vous avez bien fait. Le succès arrive très vite, en 92 dès votre 2e album, c’est ce que vous attendiez «Plus que tout au monde» ? Comment vous l’avez vécu ?
Je n’y ai pas vraiment prêté attention. Avec mes valises un peu trop lourdes, je me devais juste d’avancer dans mon rêve et ma passion, sans réfléchir, sans m’arrêter pour apprécier le moment. Juste vivre intensément les bons et les mauvais moments. Je ne me regarde pas, je trace.

«Et un jour une femme», Céline Dion, dont vous faites la 1re partie de sa tournée en 96, rencontre dingue ?
C’était super. Mes premiers grands moments sur scène, j’ai découvert le plaisir que ça pouvait engendrer. Un moment très étonnant. J’étais parti pour 3 ou 4 dates, et au final, ils en ont ajouté une dizaine.

Après ça, c’est l’explosion, vous «Allumer le feu», celui des autres aussi : Pagny, Hallyday… c’est un autre cap ?
J’ai le sentiment que ça a toujours été l’unique cap, à vrai dire. Ecrire pour les autres. Et encore aujourd’hui. Et c’est pour ça que je suis assez désinhibé quand je me présente sur scène, ce n’est pas mon cœur de métier, je suis sans pression, sans trac du coup. En fait, je ne me sens pas chanteur. Je suis un musicien. Mon truc, c’est d’être au service de la musique, d’en faire pour les autres.

Pour bien écrire pour les autres, c’est un peu «La moitié de moi» qui devient l’autre, faut savoir changer de peau ?
Faut surtout être très curieux, aimer la musique de l’autre, la comprendre, savoir la décomposer, pour en saisir l’essence. Après, ce sont des ingrédients à réinterpréter, à composer comme une recette de cuisine, jusqu’à être en phase. Vous n’allez pas proposer un «Allumer le feu» à Etienne Daho, ou « Une chanson douce » à Johnny, quoi que… On «profile» ! J’ai pas fait d’études dans ma vie, je n’ai ni diplôme, ni bagage intellectuel, en revanche, je suis un féru de musique que j’apprends en autodidacte. J’écoute la musique des autres que je dissèque, et comme j’ai des goûts très éclectiques, je me nourris de tout. Et puis, j’ai conservé une âme d’enfant, cette spontanéité, cette simplicité qui me sont essentielles pour créer. Trop de questions tuent la création. Faut rester simple, une fois que vous avez compris la technique, la musique de l’autre, quand vous aimez l’artiste, vous avez déjà tout à votre disposition, vous faites alors comme si vous étiez l’autre. Comme si vous lui faisiez un costume sur mesure. J’essaie de faire de la haute couture, parfois les coutures craquent, le sur mesure n’était pas parfait, et puis quelques fois, ça a bien fonctionné !

«D’un piano à l’autre», quelle est la chanson que vous avez écrite pour un autre dont vous êtes le plus fier ?
C’est compliqué. Peut-être que les plus nobles à mes yeux sont celles qui ne m’appartiennent plus, à tous les niveaux. Quand une chanson devient un succès, elle ne vous appartient déjà plus, et elle vous échappe totalement quand vous ne percevez aucun droit dessus. Là, elle devient noble. J’ai donné pour «Ensemble contre le sida» (devenu depuis Sidaction, ndlr) des titres, dont un qui a pris une dimension extraordinaire, presque un hymne, c’est «sa raison d’être».

Et dans votre propre répertoire quel est votre meilleur «Millésime», le titre le plus personnel ?
«So many men» que je chante en duo avec Youssou N’Dour. Une chanson sur la liberté, le métissage, la fraternité…

Vous êtes «Un chercheur d’or» du quotidien : vous pouvez écrire sur tous les sujets, même sur le Covid ?
Oui, on a écrit une chanson «Pour les gens du Secours», en hommage aux soignants avec Marc Lavoine et Florent Pagny. Il fallait lever des fonds pour les hôpitaux. Il y avait urgence. Il y a toujours d’ailleurs. Confinement oblige, on a dû enregistrer nos voix chacun de notre côté, Marc en Normandie, Florent à Miami et moi à Paris.

Même dans ces situations de crise, vous restez «Zen» ?
On ne peut pas rester zen dans le monde dans lequel on vit, hyper violent. Faut faire attention à ce qu’on dit, ce qu’on fait, à protéger les siens. C’est un moment difficile, encore davantage pour les jeunes, qui démarrent dans leur vie dans des conditions folles. Zen… oui, il faudrait l’être… mais en gardant les yeux bien ouverts.

Et puis il y a des causes, les restos du cœur, le sidaction, vous êtes toujours mobilisé contre «L’injustice», «L’inacceptable» ?
Ça me semble un minimum ! Ma vie, c’est de me mettre au service des autres, de la musique, des artistes… Mais la santé, c’est quand même autrement plus important. C’est une priorité. Chacun fait avec ce qu’il a. Je ne me verrais pas fermer les yeux.

Au final, vous êtes un boulimique de musique. Vous êtes vraiment «Tombé pour elle» ?
Oui, il y a comme une forme de stakhanovisme généré sans doute par la peur de ne pas avoir suffisamment créé ce que j’avais envie de faire. Aujourd’hui, j’en profite tant que j’ai l’énergie et la voix pour ça. Je travaille beaucoup sur mon application pour générer le plus d’albums possible. J’ai besoin de chanter. De chanter les gens que j’aime. D’explorer d’autres genres musicaux, du jazz, du flamenco, du classique… Il n’y a que la musique qui puisse me faire sup- porter la vie. C’est mon moyen à moi de reste en vie.

Tellement boulimique, que le rythme d’un album tous les 2 ans, c’est plus possible. Vous vous dites alors : «Je ne sais plus, je ne veux plus» être enfermé dans un système formaté. Et vous créez votre propre espace de liberté artistique, cette appli «Obispo All Access», un journal intime de rencontres, de découvertes, d’invités, de créativité, de lâcher prise en somme ?
C’est en tout cas une façon de vivre à mon propre rythme, d’appréhender la musique dans mon tempo. Celui qu’on me propose ne me va pas. C’est comme si j’avais une formule 1 et qu’on me demandait de rouler à 30 à l’heure ! C’est pas possible. Ma formule 1, ce sont tous mes amis musiciens, des centaines d’idées, de chansons qu’on a envie de faire. Dans mes studios, on fait de la musique non stop. C’est impossible pour moi de faire un album tous les 2 ou 3 ans. Je deviendrais fou ! Et cette application est le moyen que j’ai trouvé pour faire toute la musique que j’ai envie de créer, sans restriction. Qui m’aime me suive ! Pour autant, je ne délaisse pas la musique «physique», je viens de sortir l’album «France». J’ai été disquaire, la musique qu’on va chercher en magasin, ça a du sens pour moi. L’appli, c’est pas pour signer la fin du physique, mais pour avoir un espace pour pouvoir m’exprimer entre deux. Et c’est comme ça qu’en 9 mois, on sort 20 albums. Dans le circuit «officiel», on ne nous le permet pas. J’ai acheté ma liberté. Elle a un coût, le salaire des musiciens, techniciens, des arrangeurs… Et les bénéfices de mes concerts, de mes tournées vont directement alimenter cette espace de création, que je partage chaque semaine, avec mes abonnés. La semaine dernière, c’était un album au piano, la semaine prochaine, je reprends toutes les chansons que j’ai écrites pour Florent Pagny, avec mes arrangements, et au fil des semaines, on va découvrir des ballades entre amis… Je travaille sans cesse sur des chansons que j’ai composées ou celles d’artistes que j’aime et dieu sait qu’il y en a ! Christophe, Chamfort, Aznavour, Jonasz, Cabrel… et tant d’autres.

C’est en alimentant cette appli, que vous êtes retombé sur les morceaux écrits pour France Gall qu’elle ne chantera jamais, ayant décidé alors de mettre un terme à sa carrière. C’est pour ne pas connaître «La valse des regrets» que vous en avez fait un album ?
Exactement, c’est en voulant l’alimenter que je suis retombé sur «Ma génération», et puis, en fouillant davantage, j’ai retrouvé des inédits que j’avais complètement oubliés, qui n’avaient pas été redonnés à d’autres, comme «A qui dire qu’on est seul»… Et j’ai voulu les sortir, en m’amusant, en créant un son à la Berger… Je voulais être solaire comme lui.

Dans vos «cartons», y a d’autres «Secret perdu» ?
Oui, j’ai encore un gros gros dossier qui va arriver d’ici peu. Et plein de pépites qui devraient suivre… Ce sont des choses qui seraient, en temps «normal» (le lent), sorties post mortem. Pour Prince, on aurait retrouvé 6000 titres… Moi, je n’en ai qu’un millier. Alors autant que je travaille dessus tant que je suis là. Au moins, ils seront livrés comme je l’entends ! Et partagés, comme tant d’autres choses (entretiens avec d’autres artistes, documentaires, coulisses…), avec les abonnés, les férus de musique comme moi, tous les vendredis sur l’appli.

La scène, votre «Raison d’être», ou en tout cas celle qui vous permet d’exercer votre passion, c’est pour quand ?
Pas avant 2023, sauf surprise.

+ d’infos : Appli «Obispo All Access», seul moyen d’écouter ses anciens albums, retirés des autres plateformes de streaming et ses nouvelles créations… 5,99 € / mois.

Photos : Dominique Gau

FAN DE

Quel est votre acteur ou actrice préféré(e) ? J’ai toujours adoré Marlon Brando et Meryl Streep.

Quel est l’artiste dont vous adoreriez avoir une création chez vous ? Si vous me l’offrez, une peinture de Klimt !

Votre humoriste ? Louis de Funès.

Votre chanteur préféré que vous doublez sous la douche ? Sous la douche, ce serait ACDC !

L’auteur que vous dévorez ? Là, je lis plusieurs choses en même temps. David Byrne «Qu’est-ce que la musique», j’aime les romans de Stefan Zweig : la confusion des sentiments, 24 heures de la vie d’une femme, Amok, Lettre d’une inconnue… Ou la poésie.

Votre champion ? Zinedine Zidane.

La personnalité politique qui vous fascine le plus ? Barack Obama

Quel homme de l’Histoire admirez-vous ? Nelson Mandela.

Quel est votre héros ? Mon fils, Sean.

Lara Ketterer

Lara Ketterer

Lara Ketterer meneuse de revue SURNOM: enfant, c’était Tatouille, en rapport avec mon prénom... PERSONNAGE DE FICTION: depuis toujours : la femme piège, d’Enki Bilal, une reporter mystérieuse et un peu paumée en 2025... OBJET FETICHE: mon téléphone portable, un vrai doudou que je traîne partout ! ADAGE: vivre sans folie, ce n’est pas raisonnable du tout ! JE GARDE: mes yeux et mon esprit rock, toujours provoc ! JE JETTE: mes coups de blues, ça abime les yeux ! DANS 20 ANS ? Adulte ? presse@activmag.fr

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