Tignes s’ajoute un couvert !
Réchauffement climatique oblige, la nappe blanche rétrécit. S’appuyant sur ce constat et pour pérenniser son modèle économique, la municipalité met au menu un nouveau Club Med et mitonne une piste indoor. Une « ski-line » que certains envisagent à couteaux tirés, craignant une addition salée, tant sur le plan écologique que financier.
Proposer du ski et de la neige de qualité 365 jours par an. Conforter le positionnement stratégique de la station en terme de préparation physique des sportifs en altitude. Augmenter l’offre en matière de tourisme d’affaires et haut de gamme. Préserver des emplois. Tels sont les objectifs énoncés par la mairie de Tignes et son premier magistrat Jean-Christophe Vitale.
AVEC QUELLES RECETTES ?
S’il se dit que « C’est dans les vieux pots qu’on fait la meilleure soupe », l’adage ne s’applique manifestement pas au Club Méditerranée ! L’enseigne s’inscrit en effet dans le projet de construction d’un tout nouveau village Club 4 et 5 étoiles. Une entité destinée à remplacer l’équipement existant datant de 1975, et qui, bien que rénové en 2009, ne répond plus au positionnement de l’entreprise. 1050 lits touristiques (dont une centaine en 5 étoiles), 400 lits pour le personnel, deux restaurants et bars, des équipements collectifs (piscine, spa, espace bien-être, zone enfants, espaces jeux, etc.) et 243 places de parking souterrain devraient ainsi voir le jour à quelques mètres des bâtiments actuels, reconvertis en résidence hôtelière. L’aboutissement de ce projet d’une surface totale de plancher de 43 600 m2 et d’un coût de 95 millions d’euros (pris en charge par l’investisseur privé) nécessite une révision du PLU de la commune.
Tout comme la création au Val-Claret de la « Ski-Line » une piste couverte de 456 m de long, utilisable à l’année et homologuée par la FIS. Arguant notamment de l’accélération de la fonte des neiges (le glacier local de La Grande Motte aurait déjà perdu 30% de sa surface skiable et devrait en perdre autant dans les années à venir), l’équipe municipale qui porte le projet envisage de la déployer sur 50 m de large et un dénivelé minimum de 140 m. Abritée dans un complexe d’une surface de plancher totale de 23 900 m2, la Ski-Line se compose également d’un télésiège, d’un bassin de 600 m2 équipé d’une vague de surf, d’un restaurant et de structures de services. Evalué à 63 millions d’euros HT, le coût de l’opération est pris en charge à 75% par un concessionnaire encore non identifié, et à 25% par le financement participatif et le sponsoring.
LAISSER MIJOTER
Depuis son approbation lors du Conseil Municipal du 18 juillet 2016, le projet de Ski-Line a fait l’objet d’une étude menée par MDP Consulting et d’une présentation à la Commission UTN (Unité Touristique Nouvelle) qui l’a validé le 25 novembre dernier, à dix voix contre deux. Il a été autorisé par le Préfet de Massif en décembre. Le démarrage des travaux est prévu pour le printemps 2018 et la clôture pour 2019. “Nous n’en sommes qu’aux prémices. Il faut d’abord en passer par la révision allégée du PLU, l’enquête publique, déposer le Permis de Construire et faire face aux éventuels recours. Je tiens à préciser que l’esquisse actuelle est une intention architecturale qui ne correspond pas à ce que sera la réalisation finale. Elle a été conçue par De Jong Architectes dans le cadre de la présentation du projet UTN. Et ce cabinet ne pourra pas postuler dans le cadre du concours d’architecture. A ce stade nous connaissons la longueur de la Ski-Line, mais sa hauteur et son aspect précis restent encore à définir,” explique Jean Vogt, chargé de communication à la mairie.
SUR LE GRILL
L’ouvrage fait pourtant déjà bouillonner des opposants. Si la mairie communique sur la prise en compte de l’aspect écologique : “A 2100 m d’altitude, une moyenne annuelle de 11°C, le climat de Tignes permet un fonctionnement raisonné. (…) Associée à des moyens techniques innovants, la Ski-Line sera particulièrement vertueuse en matière de consommation de ressources. Chaudière biomasse, vitrage photovoltaïque, toit végétalisé, transfert de calories entre Ski-Line et vague de surf, alimentation en eau par circuit court sont autant de solutions techniques déployées pour minimiser l’impact environnemental.”, Jean-Pierre Buraud du CAF pointe du doigt le “gaspillage de l’eau et de l’électricité dans un pays où l’on ne parle que de transition énergétique’’. Membre de la commission UTN, il a voté contre le projet, tout comme Vincent Neirinck, chargé de mission aménagement au sein de l’association Mountain Wilderness qui s’insurge dans un document presse : “Ce projet est le stade ultime de l’absurdité, de l’anti- montagne absolu : (…) il est à l’opposé d’un développement durable et participe à la mort de la montagne par le réchauffement climatique et l’artificialisation de la nature. Il met la montagne en boîte (…), bafoue ses valeurs (…). Dubaï singeait les Alpes, la Tarentaise se met à copier Dubaï!”. Evoquant la crainte que la Ski-Line ne devienne aussi un fardeau financier pour la commune, une pétition en ligne a recueilli près de 1000 signatures.
L’avenir dira si le projet tient plus du soufflé qui se dégonfle ou du plat consistant…
+d’infos:
www.mairie-tignes.fr
www.mountainwilderness.fr
www.change.org/p/monsieur-le-maire-de-tignes-non-au-ski-line-de-tignes
© De Jong Architectes / Mairie de Tignes
