XVIIe siècle sales de repos
CE N’EST UN SECRET POUR PERSONNE, FRANÇOIS DE SALES ET JEANNE DE CHANTAL FONDÈRENT ENSEMBLE, À ANNECY, L’ORDRE DE LA VISITATION. C’EST POUR LUI DONNER CORPS QU’ILS FIRENT CONSTRUIRE, EN 1610, UNE PREMIÈRE PETITE CHAPELLE ET SON COUVENT ATTENANT, AU CŒUR DE LA VILLE, FACE AU PALAIS DE L’ILE.

Place Saint François de Sales. Imaginez un ensemble (couvent et Église de la Visitation) qui occupait à l’époque tout le pâté de maison, comprenant aujourd’hui plusieurs restaurants, un magasin de souvenirs, un bureau de tabac… L’entrée de l’actuel Hôtel de Savoie, sur la gauche, permet encore de voir le passage qu’empruntaient les religieuses pour rejoindre la chapelle sans être vues. L’Ordre de la Visitation se veut ouvert. Il accueille en son sein les sœurs malades ou âgées dont les autres congrégations ne veulent pas, mais l’ouverture a ses limites, on n’est qu’au 17e siècle: les reli- gieuses ne se mélangent pas aux fidèles et assistent aux offices, cachées derrière des grilles.
Après la disparition des fondateurs de l’ordre, l’édifice abrite, pendant un temps, leurs reliques et attire tellement de monde que la petite chapelle pousse les murs et devient grande église. Sa façade, telle qu’elle existe aujourd’hui, date donc de 1645. Avec ses deux niveaux et ses volutes, elle est typique de l’architecture de la Contre-Réforme (la réaction de l’église catholique à la réforme protestante) inspirée de l’église du Gesù à Rome. Comme la plupart des bâtiments religieux, St François -puisque la voilà renommée du nom de son créateur- traverse une mauvaise passe au moment de la Révolution Française.
DE JÉSUS AU TISSU
Saccagée et vidée, elle est vendue comme bien national et refait sa vie avec un riche genevois. Il la transforme alors en une fabrique d’indiennes, des tissus de coton peints ou imprimés, qui emploie jusqu’à 360 personnes. D’industrieuse, elle devient ensuite populaire, et abrite, en ses murs, dépôt de charbon, boulangerie et bientôt même des logements !
Entre les mains du «terrible Abbé de Quincy», un religieux réputé autoritaire et militant, elle retrouve pourtant sa superbe au 19e siècle : en 1888, il crée une société immobilière privée pour la sauver de la ruine et la rendre au culte. Entièrement reliftée, quarante ans plus tard, elle est mise à disposition de la communauté italienne. Plus qu’un simple lieu de culte, elle donne alors dans le social, devient un lieu d’accueil et d’orientation pour ceux qui franchissent les Alpes à la recherche d’une vie meilleure, main d’œuvre bon marché pour bâtir une Savoie devenue française. Aujourd’hui encore, la messe à St François est dite en italien par un prêtre transalpin, ce qui lui vaut toujours son surnom d’Eglise des Italiens.
Avec la collaboration d’Eliane Masset, Guide-conférencière d’Annecy / ©G.Bournault / ©JPV 14 Arch. dép. Haute-Savoie/Cochard