XIXe siècle et les lumière furent…
DANS CETTE INCROYABLE VILLA QUI ABRITE AUJOURD’HUI L’HÔTEL DE VILLE, MÊME SI AUGUSTE ET LOUIS ONT, PENDANT PLUSIEURS ÉTÉS, ÉLU DOMICILE, DANS LA FAMILLE LUMIÈRE, C’EST ANTOINE, LE PÈRE, QUI S’Y EST FAIT SON CINÉMA.
Photo : La Villa Lumière devenue l’actuel Hôtel de Ville, depuis 1927
1896 – Il y a 15 ans déjà, les frères Auguste et Louis Lumière ont fait la fortune de leur famille en brevetant des plaques photographiques sèches instantanées, la fameuse «étiquette bleue». Mais ils ont littéralement crevé l’écran en 1895, en organisant les premières projections publiques et gratuites de films photographiques. L’entreprise familiale prospère, le père (Antoine) se met donc à dépenser sans compter pour assouvir sa passion des pierres et de l’architecture. Après l’acquisition d’un vaste domaine à la Ciotat, c’est sur une demeure inachevée à Evian, en bordure du Quai Blonay, qu’il jette son dévolu. S’en suivront encore la construction de trois villas près de Monaco et celle de sa résidence principale à Lyon.
A une époque où ostentation est raison, quand on est riche, il faut que ça se voie dès l’entrée ! 2 atlantes, copies du chef-d’œuvre de Puget à l’Hôtel de Ville de Toulon, encadrent donc les lourdes portes de chêne, ornées de bas-reliefs de bronze. L’intérieur est tout aussi luxuriant : des parquets en marqueterie de bois exotique, un salon doré entièrement tapissé de soieries naturelles de Lyon, des tables et cheminées recouvertes d’onyx… Mécènes dans l’âme, les Lumière font appel à tout ce que cette fin de siècle compte d’artistes et d’artisans. Dans la montée d’escalier, une lionne monumentale en bronze s’agrippe à la rampe, quand sculptures et peintures racontent les 4 saisons. L’une d’entre elles est d’ailleurs de la main-même d’Antoine Lumière. Ce qui ne saute plus aux yeux aujourd’hui, mais qui devait frapper, à dessein, le visiteur du début du XXe, c’est l’électricité. Alors qu’elle ne sert encore qu’à l’éclairage public dans les rues d’Evian, les Lumière, qui portent bien leur nom, font installer leur propre dynamo afin d’illuminer toute la villa.
DÉSACCORDS D’ÉVIAN
La famille viendra en résidence d’été à Evian pendant une trentaine d’années. La municipalité devient ensuite propriétaire du bâtiment qu’elle utilisera comme Hôtel de Ville à partir de 1927. La plupart du mobilier et du décor, au rez-de-chaussée, est d’origine, sauf les vitraux de l’entrée : ils sont remplacés en 1961, suite à l’attentat qui coûte la vie à Camille Blanc. Maire de l’époque, ancien résistant et pacifiste convaincu, il avait accepté que la conférence pour la signature des accords de paix en Algérie se tienne à Evian. Par son assassinat, l’Organisation Armée Secrète espère empêcher ces négociations. Elles auront quand même lieu dans sa ville, en son hommage, le 18 mars 1862, à l’Hôtel du Parc.
Avec la collaboration de Evelyne Hurtaud, guide-conférencière à Evian-les-Bains / © Archives Municipales d’Evian