EN CHAIR ET EN EAUX
Là où il n’y avait que quelques cabanes entourées de vignes, une source d’eau chaude et sulfureuse a fait pousser tout un village, mobilisé autour du traitement de l’obésité, qui, ironie du sort, a lui aussi fini par devoir se serrer la ceinture.
Image : Valentin Vion

“Brides-les-Bains n’existe pas au moment où l’on commence à exploiter l’eau”, Jean-Paul Bergeri, attaché culturel de la ville de Moûtiers, rappelle le contexte. “C’est parce qu’il y a du thermalisme qu’on construit une paroisse et une commune.” En 1839, en effet, quand sont rassemblés les hameaux de Brides, celui des Bains et le petit village de Saulce, pour former la commune de Brides-les-Bains, un premier établissement rudimentaire accueille déjà des curistes depuis près de 20 ans. Même si beaucoup sont hébergés à Moûtiers, ils peuvent aussi loger sur place, dans l’un des six hôtels bâtis près des thermes. “Les premières constructions à Brides sont donc des constructions thermales.” En voiture à cheval, le long du Doron, les derniers kilomètres qui mènent aux thermes sont tortueux. Faciliter l’accès à la commune est la première priorité. Une route plus directe (l’actuelle) remplace d’abord l’ancienne, complétée plus tard par un tramway. La capacité d’accueil se résume encore à quelques pensions, dont le Belvédère qui existe toujours, mais la noblesse sarde, russe ou anglaise commence à découvrir les charmes et les bienfaits de la Tarentaise.

SUR LES RAILS
Parmi eux, la richissime Marie Blanc, femmes d’affaires allemande, qui a fondé, avec son mari, l’Opéra, le Casino et l’Hôtel de Paris, à Monte-Carlo. Elle acquiert les bains en 1880 et envisage, avec les élus locaux, un plan pharaonique : la construction, à Moûtiers, d’une station «intégrée», avec thermes, parc, hébergements et distractions, dans laquelle elle ferait venir les eaux de Brides et de Salins. Depuis la fermeture des Salines, les «eaux de mer thermales» de ce village voisin sont en effet associées à celles de Brides, notamment dans le traitement de l’obésité. Mais elle meurt avant que ne se concrétise ce projet. Les repreneurs des thermes choisissent plutôt de les reconstruire, ainsi que ceux de Salins, et d’édifier un nouvel hôtel. C’est l’arrivée du chemin de fer à Moûtiers, en 1893, qui va définitivement amorcer le succès de la station. La gare portera d’ailleurs le nom de «Moûtiers-Salins-Brides-les-Bains». À cette époque, Brides est une «ville-rue», sur la rive gauche du Doron, où se concentrent l’église, les thermes, les établissements de prestige : le Grand Hôtel des Thermes, le Grand Hôtel des Baigneurs, la villa du Bel-Air ou celle de l’Edelweiss, dont les propriétaires passent l’été à la montagne et l’hiver sur la côte méditerranéenne. La villa des Roses, elle, est habitée par le Comte François de Greyfié de Bellecombe. Sous son impulsion -il sera maire de 1900 à 1908-, Brides va connaître des améliorations notables comme l’aménagement de routes, la construction d’hôtels et de chalets mais surtout l’installation de l’électricité alors que même à Paris, les rues n’étaient éclairées que par de tristes réverbères à gaz.*

VILLAGE EAU-LYMPIQUE
Entre 1920 et 1930, sont édifiées les dernières villas, une roseraie et le Golf Hôtel. Avec ses colombages et ses grandes baies vitrées, son lustre de nacre, ses arabesques gravées et son bow-window, sa flamboyance Art-nouveau symbolise le faste de Brides pendant les années folles. Durant cette décennie, les thermes et le casino seront également agrandis, mais la morphologie de la ville, dessinée au début du XXe siècle, ne changera pas pendant longtemps. La prochaine vague importante d’urbanisation n’est plus le fruit du thermalisme, elle correspond au tournant «ski» de la station. En 1983, alors que, pour la première fois depuis l’après-guerre et la prise en charge des cures par la sécurité sociale, la fréquentation des thermes baisse, Brides intègre le Plan de Développement Touristique de la Tarentaise, axé sur les sports d’hiver. Chalets, villas et lotissements poussent, notamment sur la rive droite du Doron, assez peu construite jusque-là. C’est également à cette époque que la décision est prise de faire de Brides le village olympique des JO d’Albertville. Les grands hôtels et le casino sont rénovés, on crée une nouvelle mairie, un nouvel établissement thermal et le télécabine de l’Olympe, qui relie le village au domaine des Trois Vallées. Mais ces lourds investissements mettent la commune dans le rouge, elle passe sous le contrôle de la Cour des Comptes.

EN THERMES D’IMAGE
“65 % de notre activité économique est avant tout thermale”, rappelle Bruno Pideil, maire de Brides-les-Bains. “Mais depuis 1992, le télécabine nous permet d’avoir une activité annuelle, la ville se transforme en fonction des saisons. Si certains hôtels ont été transformés en résidences, beaucoup fonctionnent encore (le Grand Hôtel de Thermes, le Savoy, le Golf Hôtel, le Belvédère…). Ce qui les a maintenus, c’est de pouvoir fonctionner l’hiver, grâce au ski, et le fait d’être adaptés aux besoins des curistes, à l’équilibre alimentaire qui correspond aux cures (ndlr : Brides est spécialisée dans les cures d’amaigrissement). Avec les thermes, ces hôtels sont la carte de visite de Brides. D’ailleurs, si certains des bâtiments construits dans les années 70-80 ne correspondaient pas au style thermal, ce ne sera pas le cas de la nouvelle résidence qui devrait sortir de terre d’ici deux ans. Nous avons également un projet de rénovation de la Villa des Roses et la Place de la Mairie avec cette idée d’unité architecturale. Les thermes ont été rénovés (2018), le télécabine aussi (2021), même si on a longtemps vécu sur nos acquis, maintenant il faut se développer et on y arrivera.”
Avec l’aide de Jean-Paul Bergeri, attaché culturel de la ville de Moûtiers
*Bulletin Municipal de Brides-les-Bains – Juin 2021